Le temps serait-il enfin venu pour la photocatalyse?
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La technologie de base de Solistra est un système de réacteur chimique qui utilise la lumière pour entraîner les réactions chimiques au lieu de la chaleur, qui est traditionnellement fournie par la combustion du gaz naturel et à fortes émissions de carbone. L’utilisation de la lumière présente l’avantage supplémentaire de faciliter les réactions chimiques impliquant des gaz à effet de serre (tels que le dioxyde de carbone et le méthane) en réduisant l’énergie nécessaire à ces réactions chimiques.
Bien que le groupe de recherche sur les combustibles solaires de l’Université de Toronto ait été l’un des chefs de file de la renaissance de la photocatalyse du CO2 dans le monde universitaire dans les années 2010, ce n’est pas la première fois que nous utilisons la lumière ou la lumière du soleil pour déclencher des réactions chimiques. Les premières recherches sur la photocatalyse menées par des multinationales comme Exxon (et simultanément Mobil) dans les années 1970 ont été abandonnées au profit de procédés chimiques plus facilement rentables et pouvant être obtenus directement à partir d’un baril de pétrole brut. Au début des années 1990, de jeunes pousses de deuxième génération ont utilisé la lumière solaire concentrée pour chauffer un réacteur chimique. Certaines de ces jeunes pousses ont construit des unités de traitement des eaux usées qui utilisaient la lumière pour dégrader les contaminants organiques, des initiatives qui ont été couronnées de succès à court terme. D’autres ont fabriqué de la vitamine D, qui est une réaction chimique plus familière induite par la lumière du soleil et naturelle pour notre propre corps.
Toutefois, à long terme, la méthode consistant à utiliser la lumière pour déclencher des réactions chimiques n’a pas réussi à s’imposer. Dans l’effort pour commercialiser la technologie de Solistra, il est important de se demander pourquoi ces efforts passés n’ont pas abouti, et si quelque chose a changé pour améliorer les perspectives de la photocatalyse.
Le facteur clé de toutes ces tentatives passées est que le marché n’était pas prêt à accueillir ces technologies. Il est communément reconnu que l’analyse de rentabilité que l’on peut faire à l’égard d’une nouvelle technologie propre ne peut être fondée uniquement sur les avantages que représenterait la réduction des émissions du produit, erreur commise par la génération précédente d’entreprises de technologies propres. (Cependant, nous assistons peut-être à une version différente de ce phénomène avec les crédits carbone que peuvent désormais acheter les grandes entreprises technologiques, ce qui peut les aider à compenser les coûts de production plus élevés qui sont inévitables dans le déploiement de ces nouvelles technologies.)
Les critères de référence actuels pourraient s’avérer anachroniques dans le contexte de l’urgence climatique. Par exemple, c’est une réalité physique qu’une réaction chimique impliquant le dioxyde de carbone comme matière première nécessitera plus d’énergie qu’un processus fabriquant le même produit à partir de matières premières pétrochimiques. Le dioxyde de carbone est simplement une molécule très stable, et rien ne peut changer ce fait, si ce n’est que d’avoir recours à d’autres méthodes de conversion si l’on veut véritablement promouvoir l’économie circulaire, comme l’utilisation de la photocatalyse pour permettre de nouvelles voies de réaction chimique à plus faible demande énergétique.
Donc, qu’est-ce qui a « changé », si changement il y a eu, dans la bulle actuelle des technologies propres? Depuis l’apogée de la bulle des technologies propres précédentes, de nouvelles preuves scientifiques ont démontré que la gravité de la crise climatique était pire que toutes les prévisions.[1] Il est devenu évident que les émissions industrielles de dioxyde de carbone pouvaient s’accumuler dans notre atmosphère plus rapidement que prévu. Et les modèles informatiques ont fini par indiquer que, sans action, nous atteindrions au cours de ce siècle des émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère d’un niveau similaire à celui atteint lors de la dernière extinction de masse.
Les préjudices économiques causés par les catastrophes naturelles liées au changement climatique sont plus imminents qu’on ne le pensait. La situation exige que de nouveaux efforts soient entrepris pour réduire les émissions et que la politique publique soit renforcée afin d’encourager l’adoption de technologies industrielles à faibles émissions de carbone. Cela suffira-t-il à provoquer une réponse intersectorielle au changement climatique?
Déjà, par le passé, les preuves scientifiques des conséquences économiques néfastes de l’activité industrielle ont conduit à l’adoption de technologies plus propres. Par exemple, l’utilisation de colonnes dites « d’épuration » a été imposée en loi pour éliminer le dioxyde de soufre des effluents gazeux émanant de la combustion de combustibles fossiles dans les centrales électriques, même si les exploitants n’avaient aucun intérêt économique à adhérer à cette pratique. Les organismes de réglementation régulateurs ont alors pu prendre en compte l’incidence générale sur le plan de l’économie et de la santé publique des pluies acides causées par le dioxyde de soufre, ce qui a favorisé l’adoption de cette technologie.
[1] Spencer Weart. The Discovery of Global Warming. Harvard University Press. (2008) https://history.aip.org/climate/index.htm